Elle a très clairement reconnu dans cet arrêt, le statut de salarié au livreur à vélo, et donc l’existence d’un lien de subordination entre celui-ci et la plateforme.
Pour rappel, le salarié se définit comme toute personne qui accomplit un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels du subordonné.
En l’espèce, dans l’affaire qui était soumise à la Cour de cassation, se posait justement la question de l’existence du lien de subordination entre le livreur et la plateforme de mise en relation.
Le livreur à vélo avait la qualité d’auto-entrepreneur, et se chargeait de livrer des plats cuisinés préparés par des restaurants, pour le compte de la Société « Take eat easy » (société liquidée depuis le 30 août 2016). En effet, cette dernière Société mettait en relation des restaurants partenaires et des clients passant commande de repas.
La Cour d’Appel avait quant à elle exclu l’existence d’un statut de salarié dans la mesure où le livreur n’avait aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence, et qu’il demeurait libre de déterminer lui-même ses horaires de travail.
La Cour de cassation a statué dans un tout autre sens :
« Attendu cependant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait
dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination
est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur
qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements
de son subordonné ;
Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’elle constatait, d’une part, que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus
par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination, a violé le texte susvisé ; »
(Cass. Soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079)
Il ressort donc de cette décision que pour déterminer l’existence ou non du statut de salarié, il faut s’intéresser aux conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée.
En l’espèce, la Cour de cassation a utilisé son faisceau d’indices, et a retenu l’existence de deux critères de nature à caractériser l’existence du lien de subordination :
D’une part, le fait que l’application soit dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel de la position du livreur, et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus.
D’autre part, le fait que la société dispose d’un pouvoir de sanction à l’égard du livreur. En effet, dans les faits, les retards dans les livraisons entraînaient une perte de bonus et pouvaient même conduire à la désactivation du compte du livreur, au-delà de plusieurs retards.
Cette décision de la Cour de cassation ouvre donc une très large porte à de multiples contentieux du même type, puisque de nombreuses plateformes similaires existent.
D’ailleurs, la Cour de cassation devrait se prononcer très prochainement sur des contentieux du même type, concernant cette fois-ci la Société Deliveroo. En effet, dans un arrêt du 9 novembre 2017, la Cour d’appel de PARIS a considéré que les livreurs de cette Société n’avaient pas le statut de salarié…